Les enjeux de la représentation d’un rite de passage dans quatre romans réunionnais et mauriciens ou l’écriture comme rite
Résumé
Les sociétés réunionnaise et mauricienne sont caractérisées par un processus de créoli-sation qui semble unifié par le discours dominant et les langues des anciens empires coloniaux, ce qui n’en empêche pas moins la coexistence et la combinaison toujours variable de différents systèmes de valeurs, de divers rapports aux mondes, aux temps et aux lieux. De l’Océan Indien, Vergès et Marimoutou (2005) écrivent : « Ce n’est pas un espace homogène. Radicalement marqué par le divers, l’hétérogénéité, il préfigure le monde mondialisé en formation, avec ses inégalités, ses tensions, ses guerres potentielles, son cosmopolitisme, sa multipolarité, son dynamisme, sa créativité » (p. 27).
ans ce contexte de grande complexité anthropologique et de permanentes muta-tions, les productions discursives sur l’identité, la mémoire, la culture, les rites, revê-tent des enjeux considérables. Dans les sociétés diasporiques créoles, le substrat mythique relevant des différentes cultures en présence est friable. Il a fait l’objet de tant de dénis, d’oublis et de réélaborations, qu’il n’en reste souvent plus que des bribes. En revanche, par compensation peut-être, la pratique rituelle est très dévelop-pée et son poids symbolique tient à ce qu’elle souligne l’appartenance des participants à tel ou tel monde de référence culturelle et religieuse ou au contraire leur exclusion, car « toute activité rituelle a pour but de produire de l’identité à travers la reconnais-sance d’altérités » (Augé, 1997, p. 24). A l’intérieur de l’île, elle dissocie les divers groupes ethniques ou communautaires. Vis-à-vis de l’extérieur, elle différencie l’île du monde en constituant un discours donné pour réunionnais ou mauricien tout en la reliant aux divers imaginaires plus ou moins reconstruits des origines. La mutation de ces rites depuis leurs sociétés d’origine n’a en réalité que peu d’importance en regard de ce qu’ils manifestent pour la construction des identités. Dans tous les cas, ils consti-tuent ce qui est gagné sur l’amnésie, ce qui est reconquis sur l’interdit et l’acculturation. Ils ne sont toutefois pas dénués d’ambiguïté car ils contribuent à forger l’image d’une société créole « traditionnelle » qui ne vivrait pas complètement dans le temps de la modernité postcoloniale mais qui s’attacherait à des pratiques supersti-tieuses et archaïques relevant d’une autre historicité. Leur statut spirituel et symbolique est parfois amoindri dans le discours de la société dominante, qui se veut conforme à l’image qu’elle s’est constituée de la modernité occidentale. Même si cette société dominante peut elle aussi suivre des pratiques rituelles, elle tend, à l’extérieur du groupe, à les taire, à les édulcorer en les présentant comme reliquat folklorique.
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