Gautier pose un oeil de peintre sur ses contemporains et personnages. Caricaturiste, il use de la description physique pour camper un caractère. Le détail des portraits révèle l'oeil exercé du critique d'art et de l'ancien rapin, l'écriture artiste d'un écrivain en proie à l'Ut pictura poiesis. Fidèle à l'esthétique revendiquée dans Cromwell, il trouve piquant le laid portrait, jugé supérieur au beau portrait par sa nouveauté. Cette quête d'originalité l'incite à créer dans Fortunio une galerie de prototypes représentatifs de différentes beautés et ethnies. S'il s'appuie sur les ouvrages illustrés de son temps pour, seul de son époque, dépeindre un jeune Hindou et une femme - Indienne ou javanaise ? - qui classent Gautier parmi les pionniers de l'exotisme extrême-oriental, on constate une tension entre les stéréotypes misogynes et racistes du récit et une vision moderne de la femme. Le portrait n'est plus dans ce récit un hors d'oeuvre mais un rouage essentiel, un catalyseur de l'action.