Grands et petits romantiques : flux et reflux de la mode médiévale
Résumé
Le romantisme serait-il un courant trans-générationnel et correspondrait-il, pour reprendre la théorie d'Eugenio d'Ors sur le baroque, à un « éon » ? Les éons sont des périodes fondamentales, des courants permanents liés à des invariants de l'art et de la culture. Ils meurent et se réincarnent de façon cyclique, mais en changeant 1. Si l'on en croit la préface de Cromwell, le Bas-Empire, les grotesques antiques étaient déjà romantiques. Le Moyen Age aurait été « enté » sur le Bas-Empire 2. Tortueux, exubérant, enchevêtré et donc romantique, tel était le style gothique qui attachait son « stigmate au front des cathédrales » 3. Shakespeare tient en équilibre Ariel et Caliban 4. Le maniérisme et le baroque, mouvants, asymé-triques, bizarres, colorés ou macabres, sont déjà romantiques ; extravagants, et donc romantiques, le Roland furieux 5 et Cyrano de Bergerac ; anarchisants, impertinents, curieux et donc romantiques, D'Assoucy, Scarron et Théophile de Viau 6. Rubens, en introduisant dans ses tableaux quelque nain de cour, a su comprendre le grotesque comme élément de contraste et s'avère donc un précurseur du romantisme 7. Les décadents, révoltés contre toutes les autorités et la morale, fascinés par le diable et, comme Baudelaire, mordus au coeur par le frisson qui secouait les 1 Un éon est une « éternité qui connaît des vicissitudes » ; « Si ces deux derniers exemples de constance historique avaient été présentés par un écrivain de naguère, il est plus probable que les termes « baroque, baroquisme », eussent été remplacés par ceux de « romantique », « romantisme », plus en accord avec une tradition littéraire répandue et d'un emploi plus populaire » (Eugenio D'ORS, Du Baroque, Paris, Gallimard, 1968, respectivement p. 80 et p. 81). 2
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