Située dans le sud-ouest de l’Océan Indien, à 800 km de Madagascar, La Réunion constitue avec l’île Maurice et l’île Rodrigues, l’Archipel des Mascareignes. Mais cette géographie est largement illusoire : outre leur profonde différence géologique, les îles « voisines » divergent économiquement, politiquement et sociologiquement. Alors que la Réunion devient département français en 1946, les autres territoires insulaires accèdent à l’indépendance (Madagascar en 1960, Maurice en 1968). Son statut politique lui permettant de bénéficier des aides de sa métropole et de l’Union Européenne, elle fait figure d’îlot de prospérité face à des espaces en détresse économique et politique comme Madagascar et la République Islamique des Comores et même face à l’île Maurice, distante de seulement 200 km. Ainsi, son Produit Intérieur Brut s’élève à 14,70 milliards d’euros en 2008 (Brasset, 2009), et représente trois fois celui de Madagascar et celui de Maurice, ce qui lui permet de posséder le pouvoir d’achat et le niveau de vie le plus élevé de la zone Océan Indien. Toutefois, il ne constitue que 0,65 % du PIB français en 2005 et son taux de chômage est 3 fois plus important que celui de la France hexagonale (24,5 % en 2008 contre 7,9 %). En outre, son économie s’est tellement transformée que ses particularités ne lui permettent pas d’être caractérisée par les nomenclatures en vigueur. Malgré le recul de son agriculture, l’émergence d’activités comme l’industrie agroalimentaire et manufacturière, et l’installation d’une économie tertiaire (hôtellerie, restauration, services marchands et filières TIC), elle ne peut être qualifiée de développée en raison de sa valeur ajoutée industrielle très modeste. Elle ne s’apparente pas non plus à l’économie d’un Nouveau Pays Industrialisé (NPI) car « le processus d’import substitution semble s’essouffler » (Rochoux, 2010 : 44). Elle ne peut être considérée non plus comme sous-développée car sa « croissance est particulièrement dynamique et le niveau de vie « occidental » » (Rochoux, 2010 : 44). Isolée dans l’Océan Indien, excentrée de sa métropole qui se trouve à plus de 10 000 km, La Réunion, qualifiée « d’île de paradoxes » (Rochoux, 2010 : 33) se réduit à une sorte d’enclave « occidentale » au sein de cet agencement insulaire.