Du bon usage du Web 2.0 ou comment faire rimer innovation technologique avec innovation pédagogique
Résumé
Christian Ollivier, maître de conférences habilité à diriger des recherches, Université de La Réunion [ollivier.reunion@gmail.com] ** Laurent Puren, maître de conférences, Université de La Réunion [laurent.puren@gmail.com] Du bon usage du Web 2.0 ou comment faire rimer innovation technologique avec innovation pédagogique Christian Ollivier * et Laurent Puren ** L’histoire des sciences nous le montre : les avancées technologiques ne conduisent à un réel progrès de l’humanité que si celles-ci sont utilisées à bon escient. Nous chercherons à montrer, dans le cadre de cet article, que le fait de recourir aux outils du Web 2.0 à des fins éducatives ne débouche pas nécessairement sur une pédagogie innovante. Comme nous le verrons dans la première partie, avec l’exemple des blogues pédagogiques, c’est même souvent le contraire qui se produit. Si les dérives de « l’illusion technologique » sont bien réelles, nous montrerons dans la seconde partie que le potentiel du Web 2.0 peut cependant être pleinement exploité à travers un nouveau type de tâche donnant toute sa place aux interactions sociales. L’introduction des blogues pédagogiques en France : une innovation ? Pour illustrer l’écart qui peut exister entre usage annoncé et usage observé, nous avons choisi de nous pencher sur l’utilisation des blogues pédagogiques dans le contexte français. Si l’apparition des blogues remonte à la fin des années 1990 (l’invention de ce terme est attribuée à Jorn Barger, auteur en 1997 du néologisme « weblog »), le « boom » du blogage, tout au moins en France, peut être situé dans la période 2004-2007. Dès 2003, Loïc Le Meur, l’un des pionniers français dans le domaine, partageait son enthousiasme avec ses lecteurs, reprenant à son compte la citation de l’écrivain américain Howard Rheingold : « le phénomène des blogues est aussi important que la révolution de l’imprimerie1 ». Face à ce que François Jarraud qualifie de « phénomène profond et durable de la culture adolescente2 », le monde éducatif oscille entre méfiance et curiosité. Méfiance tout d’abord en raison du nombre croissant de procédures disciplinaires engendrées, à partir de 2005, par des articles injurieux et diffamatoires postés par des élèves sur leurs blogues à l’encontre de leur établissement ou de leurs professeurs. Curiosité également, un certain nombre d’éducateurs soulignant le fait que l’institution éducative ne peut continuer à rester à l’écart de cette nouvelle tendance numérique. Dans l’éditorial du Café pédagogique qu’il signe le 6 avril 2005, François Jarraud invite ainsi « l’École à investir le phénomène3 ». Dès lors, enseignants et chercheurs en éducation se mettent effectivement à explorer le potentiel pédagogique de cet outil. Dans leur numéro d’octobre 2006 consacré au « numérique à l’école », Les Cahiers pédagogiques proposent trois articles traitant du blogue. Quelques mois plus tard, en mai-juin 2007, Le Français dans le Monde propose un « point didactique », sous la forme d’un dossier d’une dizaine de pages, consacré au « blogue en classe de langue ». L’une des constantes qui se dégage des prises de position des partisans du blogue comme outil éducatif est que celles-ci entrent souvent en contradiction avec les propositions concrètes de mise en oeuvre pédagogique. L’utilisation pédagogique des blogues est, en effet, généralement présentée comme susceptible d’encourager les interactions, l’interactivité, la créativité, la motivation, une communication authentique, « l’agir vrai » dans un espace réel de communication, une ouverture sur le monde permettant de rapprocher l’école de la « vraie vie », une pédagogie innovante modifiant la relation enseignant-apprenants, etc4. Or, lorsqu’on se penche sur des réalisations concrètes mises en oeuvre par des enseignants du primaire ou du secondaire, force est de constater que l’innovation annoncée ne saute pas aux yeux. Pour ne prendre qu’un exemple, citons « scolablog.net », un service de gestion de blogues pédagogiques proposé aux enseignants.