"Reggae, de l'exil à l'utopie"
Abstract
L’arrachement au berceau africain, l’exil des Jamaïcains dans une île des Caraïbes les conduisent
tantôt à des actions concrètes, tantôt à une posture d’idéalisation. Idéalisation d’un territoire vierge
de toute domination, le territoire du marronnage et des communautés, mais qui aboutit à un
renouveau des pratiques sociales, à une philosophie et à des usages nouveaux, qui vont essaimer
dans le monde entier – à partir de la création de la communauté du Pinacle et en parallèle avec le
culte des marrons qui n’appartient pas à la contre-culture, mais à la culture jamaïcaine. Il s'agira ici se focaliser sur les textes, et en particulier sur la posture d’idéalisation qui
dessine des territoires imaginaires ou fantasmés dans les « lyrics » du reggae. Le rêve d’un retour en
Afrique relève du mythe, tant les Jamaïcains sont africains par les racines, mais américains dans leur
ambition. A côté de ce mythe du « Back to Africa », qui a vécu avec le naufrage économique de la
« Blackstarline » se dessinent plusieurs pays imaginaires, dont la topographie est particulièrement
floue, mais dont les traits idéalisés se rattachent à la spiritualité copte (cf. l’Amharique de
Sattamassagana) ou au mythe de l’Eden et du paradis (Dreamland). Au-delà de cet imaginaire ancré
dans des territoires, le sentiment d’appartenir à plusieurs cultures, le métissage et le mysticisme
jouent un rôle préventif vis-à-vis de tout ce qui pourrait ressembler à des bornes intérieures. Le
reggae tend à exprimer et à amplifier ce sentiment d’ouverture. Attaché à un credo unitaire, le reggae revendique une dimension interpersonnelle, postulant le caractère pacificateur des vibrations créées par certains stupéfiants et la musique.