De la psychose de l'invasion à la "reconquête"
Résumé
La «reconquête» de la partie espagnole de Saint-Domingue sur les Français du général Ferrand, réfugiés à l’est de l’île après la défaite de Rochambeau (1803), fut l’œuvre des hispano-créoles (1808-1809) et ne dut rien à l’ancienne mère patrie bien affaiblie. Son maintien dans le giron espagnol ne tint qu’au double jeu mené par Madrid envers Pétion et Christophe grâce à la rivalité entre les deux «caudillos», jusqu’à ce que Boyer, en héritier de Toussaint Louverture et de Dessalines après la mort du roi Christophe, en décidât autrement à la suite de l’éphémère indépendance de la «République d’Haïti espagnol» (1821). Ferdinand VII, épris de grandeur compensatoire après l’humiliante occupation napoléonienne et face à la chute de l’empire d’outre-mer, tenta par la négociation de se lancer dans une autre «reconquête» de l’ancien fleuron des Indes. D’où un dialogue de sourds fondé sur des considérations historiques et politiques, et motivé par une impuissance réciproque. Boyer, qui ne pouvait se départir de son image messianique, imposa une résignation pathétique au velléitaire souverain, lui donnant une leçon de réalisme.