Le terme « Mauricien » : une représentation évolutive de l’idée de la nation mauricienne
Résumé
This study investigates the evolution of the meaning of the term “Mauritian” over a defined period of history (from the end of the 19th century until the 1950s). It aims to open up an area of research into the processes involved in the development of the Mauritian national identity. The research method, already developed by sociolinguists, is used here with an historical aim, in that our comments concentrate on the chronological evolution of the meaning of the term. We will therefore be emphasizing the development of this concept and its links with economical, social and political factors in Mauritius. After setting out the context of the discussion, there follows an analysis of testimonial accounts of local Mauritian sources. Lastly, in order to highlight the importance of context on this semantic evolution of the term, we take a detour to Madagascar to examine the meaning of this concept in the context of migrant populations. In Mauritius, it’s only in the 1950’s that the term “Mauritian” was used to refer to all natives of the island. In 1968, Independence marked a symbolic and permanent end to the uncertainty surrounding the meaning of this term. During the 19th Century the term “Mauritian” included only the Caucasians of French origin, whereas between 1890 and 1940 it was significantly less clear as to which populations were included. Whether mixed raced, African, and Malagasy populations are included in this semantic category depends on the speaker. In the context of the colonial period, the right to attribute a name to someone or something, is revealing of the political changes in the complicated dominant power relations at play. To this end, the example of Madagascar conve¬niently reminds us that the meaning of certain words depends on the real or perceived power status of the speaker.
A travers l’étude de l’évolution du sens du vocable « Mauricien », sur une période historiquement déterminée (de la fin du XIXe siècle aux années 1950), la présente contribution se propose d’ouvrir une piste de travail relative au processus de construction de l’identité nationale mauricienne. La méthode déjà explorée par les socio-linguistes sera utilisée ici dans une optique essentiellement historique au sens où nous concentrerons nos remarques autour du réglage du sens du terme. Nous mettrons ainsi l’accent sur les évolutions du concept et leurs rapports avec les faits économiques, sociaux et politiques de l’île Maurice. Après le positionnement du débat, nous analyserons des prises de paroles mauriciennes et enfin pour montrer la prégnance du contexte sur les évolutions sémantiques, nous ferons un détour par Madagascar pour examiner les sens donnés au lexème dans une situation migratoire. À Maurice, le terme de « Mauricien » n’englobe tous les natifs de Maurice que dans les années 1950. En 1968, l’indépendance marque un terme symbolique et définitif à l’incertitude du sens du mot. Alors qu’il ne concerne que les blancs d’origine française au XIXe siècle, les populations qu’il peut englober est beaucoup plus incertain entre les années 1890 à 1940. En fonction du locuteur, les métis et les originaires d’Afrique et de Madagascar seront inclus ou exclus de son champ sémantique. Ce pouvoir de nommer s’exerçant dans un contexte colonial, il révèle aussi les recompositions politiques dans le jeu complexe des rapports de domination. A ce titre, l’exemple de Madagascar vient opportunément rappeler que le sens de certains mots est fonction de la puissance réelle ou supposée du locuteur qui l'énonce.