« Une poule à la mer » ou le détour oriental de Gérard de Nerval
Abstract
Dans une perspective essentiellement psychanalytique, l’article interroge les motifs d’un travail de réécriture interne au sein de l’œuvre nervalienne. Nous nous sommes en effet proposé de mettre en regard un passage des « Femmes du Caire » du Voyage en Orient, prépublié en 1847, et les chapitres X et XII de la nouvelle Sylvie (1853). Entre l’évocation d’un rite oriental superstitieux et l’affleurement d’un souvenir individuel traumatisant associé à une noyade symbolique, de paradoxales mais incontestables analogies peuvent ainsi être identifiées. Ces deux textes transcrivent un même phénomène au croisement de la psychanalyse et de l’ethnologie comparée : celui de la violence sacrée, concept illustré par Freud en 1913 sous la désignation polynésienne de tabou, puis redéfini par René Girard en 1972 dans La Violence et le sacré. Cette identification d’un hypotexte oriental à la scène valoisienne récurrente illustre en premier lieu l’unité intégrative d’un récit nervalien ouvert au principe analogique, articulant en l’occurrence les inconscients individuel et collectif. Elle souligne en second lieu, à travers la problématique conjointe de la temporalité et du sacré, la charge idéologique implicite d’un regard ethnologique sans concession, tant sceptique vis-à-vis du primitivisme béat que critique à l’égard des faux brillants d’une société occidentale veuve du sacré.
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