« Si tu possèdes une bibliothèque et un jardin, tu as tout ce qu'il te faut »
Abstract
« Si hortum in bibliotheca habes, deerit nihil », c'est ce qu'écrit Cicéron à Varron à la fin d'une lettre qu'il lui envoie de Tusculum-lettre un peu alambiquée, un peu « cul-cul » par laquelle il l'invite à venir le rejoindre dans sa villa. Cette remarque rhétorique exprime à nos yeux le génie de Cicéron : comme la biblio-thèque les livres, le jardin réunit espèces et variétés, toutes sortes d'arbres, de fleurs, de légumes, de fruits, de plantes médicinales et aromatiques ; ainsi que la bibliothèque il est un lieu d'inventions culturales, un lieu d'emprunt. Et comme l'orateur, imprégné de culture grecque, n'en est pas moins un conservateur attaché-du moins le dit-il-aux institutions traditionnelles de la république, le propos nous rassure par l'expression de ce que les Romains appellent, dans la reconstruction mémorielle de ce qui n'a jamais existé, le « mos majorum », les moeurs des ancêtres, et que l'on peut traduire ici, à La Réunion, par le concept anesthésique de « tanlontan ». Car les mêmes choses nous lient au jardin et à la bibliothèque : cultiver sa différence, montrer sa puissance, mais surtout s'évader du réel et chercher ses racines. Dès lors le commerce apaisant qu'établit Cicéron entre le jardin et la bibliothèque aujourd'hui nous enchante. Le malentendu s'installe sans doute ici. Intellectuels informés par Voltaire, nous lisons ce propos à travers le souvenir de Candide et la polysémie du mot culture. Quoi de mieux, en effet, après avoir cultivé son esprit par les livres, que de se livrer aux joies manuelles de cette autre culture qu'est le jardinage ? Cicéron n'affirmerait-il pas que la beauté sensorielle et sensuelle d'une nature à notre portée-le jardin-produit aussi l'évasion, le voyage sans limite de la pensée et de la réflexion-fonctionne comme une bibliothèque ?
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