Fiction antique et aspirations pré-révolutionnaires : L’Arcadie de Bernardin de Saint-Pierre
Résumé
Qu’il le veuille ou non, l’écrivain est un témoin de son temps, même s’il donne l’impression de le fuir dans la fiction, et peut-être de façon paradoxale l’est-il encore plus lorsqu’il opte pour l’éloignement maximal soit dans l’espace, soit dans le temps : distance spatiale du récit exotique ou du roman utopique dans le premier cas, distance temporelle de la pastorale mythologique ou de l’épopée à l’antique dans le second.
L’Arcadie de Bernardin de Saint-Pierre est un peu tout cela à la fois, même si de façon un peu arbitraire nous serons conduits à mettre l’accent surtout sur sa dimension historique ou pseudo-historique, puisque c’est elle qui justifie son étude ici. L’action du récit se déroule en effet en divers pays du monde antique sous le règne du pharaon Sésostris – pour les historiens Sésostris le Grand ou Sésostris III, qui régna de 1878 à 1843 avant J.C. mais, on le verra, cette indication n’a en réalité aucune valeur proprement chronologique. En revanche il existe une autre date qui, elle, renvoie à une insertion dans l’Histoire précise et chargée de sens : c’est celle de la publication. Celle-ci a lieu en mars 1788, un peu plus d’un an avant le début de la Révolution, dont les prodromes sont déjà largement engagés. L’Arcadie, on l’aura compris, porte formellement sur le tableau du monde antique, mais concerne aussi la situation de la France dans les dernières années de l’Ancien Régime. On peut donc envisager ces deux aspects du rapport à l’Histoire, la fiction du « roman archéologique » à sujet antique, puis le discours masqué sur l’actualité française de l’époque pré-révolutionnaire. Mais il n’est pas inutile de présenter d’abord l’ouvrage, sa genèse, son contexte et ses modèles.
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