« La formation linguistique des adultes migrants en France métropolitaine avant les années 1960. Les travailleurs « nord-africains » au cœur d’une « pré-histoire de l’alpha » »
Résumé
Dans cette communication nous rendrons compte d’une recherche inédite qui a donné lieu à l’un des volumes de notre HDR soutenue en décembre 2023 : Enquêtes sociolinguistiques et didactiques sur des locuteurs et apprenants français allophones en situations de minoration. Exhumer les mémoires, interroger les politiques, discours, représentations, pratiques et outils. Un corpus archivistique (Archives nationales), composé notamment de correspondances et de notes ministérielles, de rapports administratifs et pédagogiques, nous a permis de mettre à jour tout un pan de l’histoire de la didactique de la formation linguistique aux adultes allophones jusqu’à présent passé sous silence, tant par les historiens que par les didacticiens des langues. Nous évoquerons cette « pré-histoire de l’alpha » qui intervient au lendemain de la Libération et se poursuit jusqu’à la fin des années 1960, avec la mise en place de cours du soir aux travailleurs “nord-africains” par un service rattaché au Ministère de l’Éducation nationale, connu notamment, sur la période 1948-1959, comme le “Service universitaire des relations avec l’étranger et l’Outre-mer” (SUREOM). Il sera question de didactique et de pédagogie, mais également d’idéologie et de politique. Car si l’objectif affiché par les autorités est de nature pédagogique, cette « alphabétisation-francisation » implique un processus conversionnel consistant, dans un contexte de luttes décoloniales, à gagner les ouvriers « français musulmans d’Algérie » (FMA), selon la nomenclature en vigueur à l’époque, à la cause (de l’Algérie) française.