, Si pendant tout le XIXè siècle, le Code civil français a été l'unique modèle, et doit d'ailleurs, pour une part, à son unicité l'ampleur de sa diffusion, les choses ont bien changé avec l'adoption, dès l'aube du XXè siècle du Code civil allemand, puis du Code civil italien, et surtout avec l'irruption, ces dernières années, des redoutables rivaux que sont le nouveau Code civil du Québec et le nouveau Code civil néerlandais, sans oublier le Code civil allemand qui vient d'être rénové ni le Code de commerce américain dont la promotion est assuré par de persuasifs vendeurs. D'où l'existence aujourd'hui d'une sorte de Codex shopping, où l'on fait jouer la concurrence : Monsieur Narshingen nous a dit, ce matin, comment Maurice avait emprunté au Code civil québécois ; et, déjà Monsieur le Premier Ministre Sylla avait élégamment livré à notre méditation le proverbe malgache : « Chaque essence à son parfum, Le premier est l'apparition d'un marché du droit : comprenez d'un marché où les modèles juridiques sont offerts, proposés à ceux qui sont en quête d'une loi ou d'un code

, tout comme il nous incombe d'en dire les mérites, en nous gardant autant d'une arrogance déplacée que d'un scepticisme autocritique dévastateur

, Contemplez l'un des versants de la globalisation, qu'est la mondialisation de l'économie, et vous y décèlerez sans paine l'apparition d'un ordre marchand, ou le contrat du droit français classique, qui est avant tout parole donnée, de sorte que sa force obligatoire est une exigence morale, subit l'attraction de la common-law, où le contrat est avant tout échange de biens, bargain, de sorte que sa force obligatoire se mesure à son utilité économique (il est instructif à cet égard de mettre en regard la théorie civiliste de l'imprévision et la notion de frstration de la common law), Le second aspect de la globalisation est une certaine convergence des systèmes juridiques où chacun semble perdre de sa pureté originaire

. Voilà, me semble t-il, les défis qu'il appartient au Code civil français de relever s'il veut conserver son rayonnement. Mais ces défis, c'est plus généralement aux pays de tradition civiliste qu'il importe de les relever

. Non-pas-que, En vérité, les codificateurs n'ont que rarement été des démocrates : Napoléon dut, pour faire adopter son code, épurer le Tribunat de ceux qu'il appelait « deux douzaines de métaphysiciens bons à jeter à l'eau » ; et l'on peut même penser que la codification, parce qu'elle est oeuvre d'autorité, est souvent une ambition de despote éclairé (Napoléon, Hailé Sélassié, Atatürk, l'empereur du Japon?) ou d'une doctrine universitaire en mal d'action. Sans doute les valeurs de la tradition civiliste sont elles ailleurs : -dans un droit intelligible et accessible, tant il est plus facile de lire un code que des case-books ; -dans un ordre juridique qui s'accomplit dans la prévention des litiges autant que dans leur résolution, où le procès est vécu comme un échec du droit (voyez, là-dessus, quelques fables de La Fontaine?) et non comme l'apogée du droit ; d'où l'impératif de sécurité auquel répond une institution comme le notariat, avec ses codes votés par le Parlement, serait plus démocratique que la common law, secrétée par des poignées de juges

, avec vigueur, mais naturellement sans agressivité ni dénigrement, aussi malvenus qu'inutiles, à l'égard de la common law, qui est l'autre grand système juridique. Et puisqu'il se trouve ici des étudiants, c'est à eux que je voudrais m'adresser pour finir : pour leur dire que c'est entre leurs mains que, demain, reposera l'avenir du droit malgache, et ainsi l'avenir d'une part de la culture juridique civiliste, et que si ces deux journées qui s'achèvent ont pu les inciter à être, de cette culture, des dépositaires fidèles et des ardents défenseurs, alors, comme le dit le proverbe malgache, Si nous croyons en ces valeurs, il nous appartient de les défendre, 2004.