, En ce sens, l'anticléricalisme est la réponse au cléricalisme ; il ne remet pas en question la foi intime de chacun, les institutions religieuse ou l'Église comme ensemble de fidèles. Il est l'expression du refus de voir l'État pris en main par une religion quelconque, fût-elle majoritaire. C'est d'ailleurs en ce sens précis que Gambetta l'utilise à la Chambre des députés en 1877 : « Le cléricalisme, voilà l'ennemi ». En tant que concept politique, la laïcité n'est que « l'affranchissement de l'ensemble de la sphère publique (école, administration, armée, justice, finances) de toute emprise exercée au nom de la religion (cléricalisme) ou d'une idéologie particulière (sectes, partis politiques, puissances économiques au besoin) » 19 . Elle implique simplement l'émancipation des personnes et des institutions publiques par rapport aux puissances religieuses suspectes de « cléricalisme » c'est-à-dire de volonté de prise en main du pouvoir politique. -Plus insidieuse est l'adjonction d'un adjectif au mot laïcité. Il sert le plus souvent à vider le concept de sa substance. Dans la bouche de ceux qui souhaitent la voir purement et simplement disparaître, la laïcité devient ouverte, fermée, renforcée, catho-laïque, de combat, traditionnelle, étroite, moderne, frileuse, intolérante, etc. En y regardant de près, il s'agit dans tous les cas de lui faire perdre son indépendance profane. L'adjectif ajouté vise à détruire le substantif. Comment ne pas voir alors que sous le nom usurpé de laïcité « ouverte», « tolérante », « nouvelle », etc., le but est de rogner progressivement la laïcité pour éliminer ce qui fait l'essence du concept : l'indépendance par rapport à toute référence théologique et à tout projet politique théocratique. 20 Ferdinand Buisson, il y a plus d'un siècle, insistait sur ce point : « Toute société qui ne veut pas rester à l'état de théocratie pure est obligée de constituer comme forces distinctes de l'Église, indépendants et souverains, les pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire ?ainsi que l'instruction publique. » 21 -Mais la confusion la plus grave est celle de la laïcité avec la neutralité, cette dernière étant entendue comme indifférence aux valeurs morales ou spirituelles. Pour de nombreuses associations hostiles à la laïcité, la décadence actuelle des moeurs serait le fruit de la laïcité, invita les catholiques à tolérer la présence des protestants dans le royaume. Cela n'a rien à voir avec le principe de laïcité. La tolérance n'est que l'expression « indulgente et patiente » d'une religion dominante qui permet aux autres de s'exprimer, dans certaines limites et moyennant l'acquittement d'impôts injustifiés (Les Juifs de Cordoue par exemple sous les Almohades au XIII è siècle, ou les chrétiens d'Orient en des temps plus récents en Syrie, en Iran ou en Irak), 2005.

M. Balandier and . De,

. Buisson-f, Ses priorités ont été résumées dans le compte rendu du vingt-cinquième congrès de la Ligue de l'enseignement, dès 1905 (Biarritz). « Qu'est-ce que l'institution laïque a pour autorité de développer chez les enfants confiés à l'école publique ? » Réponse : « Dans l'éducation intellectuelle, le respect et l'amour de la vérité, la réflexion personnelle, les habitudes de libre examen en même temps que l'esprit de tolérance. Dans l'éducation morale, le sentiment du droit et de la dignité de la personne humaine, la conscience de la responsabilité individuelle en même temps que les sentiment de la justice et de la solidarité sociales. Dans l'éducation civique, l'attachement au régime démocratique de la République.» 22 On peut se demander s'il convient de changer aujourd'hui un seul mot à ces finalités. En donnant au choix moral, philosophique, politique ou religieux de chaque citoyen, entendu comme personne libre et non comme représentant anonyme d'une communauté quelconque, sa garantie politique, son cadre légal et son caractère d'intériorité personnelle, la laïcité offre une protection qu'aucun dogme, religieux ou antireligieux, ne saurait assurer. De ce point de vue à la fois philosophique et individuel, la laïcité est essentiellement émancipatrice. Elle n'implique donc pas une quelconque hostilité envers les religions, mais « un idéal visant à garantir à la fois la liberté de conscience de chacun, Nouveau dictionnaire de pédagogie et d'instruction publique, Hachette, 1911, p. 937. contre l'ethnicisation rampante de la société. C'est pour cette raison que le législateur a demandé explicitement aux fonctionnaires publics de supprimer tout signe extérieur d'appartenance religieuse dans le cadre professionnel. Quant au domaine de l'institution scolaire, le fait d'inviter les maîtres à ne pas prendre parti (politiquement, moralement, religieusement) n'est pas exclure la réflexion politique, morale ou religieuse de l'École

. -audibert, 1 : La crise du 16 mai et la revanche républicaine, Laïcité" in Nouveau dictionnaire de pédagogie et d'instruction publique, vol.2, pp.1957-1959, 1911.

E. Durkheim, ERCKMANN-CHATRIAN : Histoire d'un sous-maître, Contes et romans nationaux et populaires, 1957.

. Idem,

J. L. Wolfs, S. El, L. Boudamoussi, D. De-coster, . Baillet et al., laïcité" est-il compris et interprété en dehors de la francophonie ? Analyse comparative des traductions du terme " laïcité "en anglais, arabe, espagnol et néerlandais. » Communication présentée au colloque international de l'AFEC et du CIEP, Sèvres, octobre 2005. -G. de LAGARDE : La naissance de l'esprit laïque au déclin du Moyen-Âge, LUIZ : Scènes de la vie d'instituteur. Paris, 1868. -A. OZOUF : L'Ecole, la République et l'Eglise, vol.3, pp.520-529, 1947.

J. Vales-:-l'enfant, WEISS : Histoire de l'idée laïque en France au XIX e siècle. Paris, s. d. -ZIND : L'enseignement religieux dans l'instruction primaire publique en France de 1850 à 1873, 1972.