, c'est-à-dire comme « processus dynamique qui est à l'origine des différences », on est en droit de se demander si le concept de « différance » n'est pas si éloigné de la vertu dormitive de l'opium dont se moquait Molière. Dans la même veine, on peut s'interroger : ce qu'ajoute le « care » aux idées classiques de compassion, de soin, d'attention à autrui, de pitié, de bienveillance, de prévenance, de sollicitude, de commisération, voire d'amour, paraît seulement réunir dans une notion équivoque des éléments pas toujours compatibles. Quant à la « post modernité », son destin était d'être dépassée avant même que d'apparaître, comme l'indique assez sa signification même. Dans le cas de la séduction, comme dans celui de la manipulation ou de l'autopromotion, il ne s'agit pas de penser, autrement dit d'avancer en trébuchant, mais de bien montrer que l'on pense, ce qui conduit inévitablement à ne plus penser. Tenter un coup de bluff n'est pas « philosopher ». Épicure, comparant le domaine de la philosophie à celui de la santé, nous invitait pourtant à ne pas prendre l'apparence pour la réalité : « Il ne faut pas se donner l'air de philosopher, mais philosopher réellement, Nous avons en effet besoin, vol.54, 1967.

, En dépit des apparences, dans ces trois cas de figure, on est loin de « l'esprit de paradoxe » que proposait Diderot ou le « l'inquiétude radicale » dont parlait Locke comme signes patents d'activité philosophique. L'originalité à tout prix n'est pas le symptôme d'une pensée profonde, pas plus que l'allure enténébrée, l'agitation vibrionnante ou l'activisme spectaculaire ne sont les signes d'activité conceptuelle intense. L'imposture est patente dans le fait que la philosophie se voit radicalement subvertie dans sa finalité même : loin provoquer l'inquiétude, le trouble, comme la célèbre « torpille » socratique, et ainsi d'inviter chacun à réfléchir en déstabilisant les bases des certitudes les mieux assises, elle n'est convoquée, comme on dit, que pour mieux endormir l'opinion dans la ouate d'une pensée mollassonne destinée à asseoir toujours plus solidement les préjugés, même, et peutêtre surtout lorsqu'elle prend l'allure télégénique en apparence la plus rebelle. À la question provocatrice que posait Jean François Revel « Pourquoi les philosophes ? », il est possible d'apporter, presque soixante dix ans plus tard, la même réponse que celle qu'il donnait en conclusion de son bref ouvrage : « À quoi bon, en effet, des philosophes ? Où du moins "ces" philosophes, si leur philosophie est devenue le contraire de la philosophie, si la discipline de libération par excellence a peu à peu dégénéré en cette litanie béate de formules venues de tous les étages du temps et de tous les coins de l'espace, et si la prétendue école de la rigueur n'est plus que le refuge de la paresse intellectuelle et de la lâcheté morale ? » (Revel, Une dernière remarque en guise de conclusion à propos de l'emploi dégradé de l'adjectif « phénoménologique ». L'exigence première de la phénoménologie husserlienne, selon laquelle la philosophie devrait viser à rien moins que se constituer en « science rigoureuse, autonome, réalisée en vertu d'évidences dernières et trouvant dans ces évidences sa justification absolue » (Husserl, 1957, §2, p. 5,), bascule souvent, dans l'usage courant, en vague impressionnisme conceptuel permettant toutes les approximations, p.182, 1957.

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