, Au delà des mots courage, tempérance, prudence, sagesse, l'intention est différente. Ces vertus visent désormais une autre finalité que celle que visait le sage antique. Dans la réalité, un changement radical de perspective fait qu'on a pu parler d' « irruption » 56 d'une nouvelle façon d'envisager le rapport des hommes aux choses, aux autres et à eux-mêmes. Passant d'une éthique de la conviction raisonnée à une éthique de la révélation indiscutable, on saute de l'argumentation critique qui s'assume jusqu'au choix de sa mort, dans la croyance et l'obéissance en la valeur absolue de la vie

. Du, L. Grecs, and . Latins, On ne marchande pas des « indulgences » avec l'infiniment infini. Par suite, on ne se demande donc plus : que faire en cette vie pour que cette vie soit une vie réussie, c'est-à-dire heureuse et remplie conformément à l'ordre naturel dans lequel mon devoir est de trouver ma place en évitant de défier les dieux ? Mais comment agir en cette vie pour préparer au mieux une vie future qui est précisément au-delà de la nature ? C'est donc l'ensemble de l'existence morale qui se trouve suspendu à une exigence théologique qui le dépasse et en conditionne la réalisation. Si, dans le monde antique, on pouvait séparer sans problème éthique et religion, les dieux ayant assez à faire entre eux et se souciant finalement assez peu des hommes, il est manifeste que, dans l'univers judéo-chrétien, la séparation est devenue impossible. Un Dieu jaloux veille désormais sur chacun de nos gestes et en pèse la valeur à l'aune de ses commandements. Ici encore, en dépit de nuances qu'il ne faut pas négliger, judaïsme et christianisme parlent d'une même voix. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que l'irruption du modèle métaphysique judéo-chrétien ait pu modifier profondément les thèmes moraux classiques qu'il a pourtant tenté d'assimiler et dont il a parfois emprunté le vocabulaire. Désormais la raison, la nature, la liberté même, se voient dépendantes de la foi, Tu ne tueras point ! »

, Jusqu'au XVII ème siècle, cette manière judéo-chrétienne d'entendre et de traiter les problèmes éthiques qui s'est imposée tout au long du moyen Age est restée majoritairement celle des penseurs religieux et des moralistes. C'est en pleine époque classique que plusieurs philosophes émettent quelques doutes sérieux en ce qui concerne cette manière de fonder l'éthique et d'envisager la morale. Critique de la pertinence des textes à travers l'exégèse biblique chez Spinoza, remise en question des fondements religieux de la morale chez Hobbes, autant de menaces, encore indirectes certes, mais radicales et qui sont autant de sources où s, Lorsqu'elles ne changent pas d'usage, les vertus cardinales qui aidaient l'homme antique à s'orienter dans l'action passent désormais au service des vertus religieuses

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, Présentation (abstract) : Que peut-on entendre par morale judéo-chrétienne ?

, Au point que le fonds métaphysique judéo-chrétien a pu se voir convoqué pour illustrer une conception de l'unité de l'Europe il n'y a pas si longtemps, voire, plus récemment, de l'identité de la France. La question n'est pas ici de savoir si cette référence est sociologiquement justifiée. Il s'agira simplement de se demander ce soir ce qu'il convient d'entendre par éthique judéo-chrétienne, en s'appuyant sur les textes fondateurs et sur les attitudes morales qu'ils ont pu inspirer jusqu'à aujourd'hui. Quand bien même judaïsme et christianismes ne parleraient pas toujours d'une même voix, ne pourrait-on découvrir un fonds commun aux valeurs qu'ils proposent ? Ce fonds apparaît peut-être clairement lorsqu'on distingue, du point de vue philosophique qui reste le nôtre, l'éthique judéo-chrétienne des morales gréco-romaines qu'elle a combattues, avant de se voir elle-même remise en question, de l'intérieur, avec Spinoza et Hobbes, La crise qui semble frapper aujourd'hui la société dans laquelle nous vivons paraît autant morale qu'éthique