Résumé : Une tradition philologique solidement établie rattache le mot « fatras » au latin farcire : « farcir » par des voies plus ou moins tortueuses (*fartacium, farsura-*farsurare ou *farcuraceum) ; de fatras dériverait « fatrasie ». Le problème est que le second terme est d'attestation plus haute que le premier. En 1980, exploitant la varia lecto d'un Miracle de Gautier de Coinci, un chercheur allemand tenta de démontrer que fa(s)trasie ne serait qu'une variante de fantasie (< phantasia < phantasma : « sorte de cauchemar ». La thèse se nourrit de la seule qui renferme la première occurence du mot fastrasie (Du clerc qui fame espousa et puis la lessa). À l'examen, il ne paraît pas qu'il y ait de parenté sémantique entre fa(s)trasie et fantasie : la «variance» est d'ordre lexical, non phonétique ! Quant à l'idée que fa(s)tras aurait été tiré, par troncation, de fa(s)trasie, elle ne résiste pas non plus à l'analyse typologique : « fatrasie » (ms. Arsenal 3114) est simplement à comprendre au sens de « recueil de fatras (11 aabaabbabab) ». Dans ce genre médiéval, le « farcir » et le poien étaient consubstantiels : le poète se bornait à « farcir » de non-sens une « carcasse » strophique des plus rigides.