!. Oh, Que se réalise donc ma prière, que Dieu réponde à mon attente ! Que Lui consente à m'écraser, qu'il dégage sa main et me supprime ! Je n'ai pas été anéanti devant les ténèbres, vol.56

, Job s'agrippe à son droit et fait comparaître Dieu au banc des accusés : « J'ouvrirais un procès devant lui, ma bouche serait pleine de griefs Je ne suis pas, Peut-on dès lors excuser Dieu d'être responsable du mal ? Peut-on comprendre le mal ou est-il un scandale ? Job, en proie au mal, vol.57

. Dieu, Job produit alors le discours d'un homme qui abdique : « Je sais que tu es tout-puissant. Ce que tu conçois, tu peux le réaliser. J'étais celui qui voile tes plans, par des propos dénués de sens. Aussi astu raconté des oeuvres grandioses que je ne comprends pas, des merveilles qui me dépassent et que j'ignore. Je ne te connaissais que par ouïdire, mais maintenant mes yeux t'ont vu, Aussitôt je me rétracte et m'afflige sur la poussière et sur la cendre, vol.58

, Ils passent la nuit, nus, sans vêtements, sans couverture contre le froid. L'averse des montagnes les transperce ; faute d'abri, ils étreignent le rocher, De la ville on entend gémir les mourants, les blessés, dans un souffle, p.61

. Faute-de-créer-un-monde-bon, Job réclamant de périr au sortir du sein, parle en ce sens au nom du monde, avorton qui n'aurait pas dû voir le jour : « Pourquoi ne suis-je pas mort au sortir du sein, n'ai-je pas péri aussitôt enfanté ? Pourquoi s'est-il trouvé deux genoux pour m'accueillir, deux mamelles pour m'allaiter ? Maintenant je serais couché en terre, je dormirais d'un sommeil reposant, Ou bien, tel l'avorton caché

, Oh ! Pourquoi m'as-tu fait sortir du sein ? J'aurais péri alors : nul oeil ne m'aurait vu, je serais comme n'ayant pas été, du ventre on m'aurait porté à la tombe, vol.62

, Dieu n'est pas tant le généreux donateur d'un monde, que le créateur capricieux qui ne se soucie pas de l'aventure souffreteuse dans laquelle il jette les hommes en pâture, vol.63

, Dès lors, la rétractation finale de Job doit plutôt être interprétée comme une ruse : Job admet sa méprise pour être sauvé, mais il n'en pense pas moins 64 . La soumission de Job n'est qu'apparente, et de l'ordre de la prudence 65

«. Cet and . Qu, il est en face d'un être surhumain, d'une susceptibilité personnelle extrême, et que, par conséquent, il fera mieux dans tous les cas de s'abstenir de la moindre réflexion critique

J. Le-livre-de, , vol.24, pp.2-12

. Ibid, , vol.10, pp.18-19

, 23 : « Pourquoi ce don à l'homme qui ne voit plus sa route, et que Dieu enclot sur lui-même ?, vol.3

. Ph and . Nemo, 60 : « Une lecture superficielle de l'épilogue paraît montrer un Job apaisé

O. Jung, « L'homme ne peut se soumettre [à un Dieu immoral et déraisonnable] que dans la crainte et le frisson. Indirectement, il ne peut que tenter, par des éloges massifs et par une obéissance ostentatoire, pp.60-61

. L'homme-ne-peut-se-soumettre, ] que dans la crainte et le frisson. Indirectement, il ne peut que tenter, par des éloges massifs et par une obéissance ostentatoire

L. Dieu-dans-réponse-À and J. , Jung se propose de lire le Livre de Job comme « un point de repère au sein des péripéties d'un drame divin » 67 : le passage de l'inconscience de soi à la conscience de soi. Dieu est au point de basculement entre l'inconscience et la conscience, S'il faut récuser l'un des attributs de Dieu, n'est-ce pas plutôt la bonté que la toute-puissance ? C'est précisément la piste qu'explore Jung dans Réponse à Job

, Le Livre de Job peut être interprété comme un acte de connaissance métaphysique de Dieu par lui-même, grâce à la médiation de Job : « Job n'est en somme que le mobile extérieur qui va donner à Dieu l'occasion d'une confrontation intrapsychique et d'une explication avec Lui-même » 69, « Des contenus inconscients sont prêts à faire irruption dans la conscience, vol.68

, Dieu n'est pas encore un homme, il est moins qu'un homme : il est « un phénomène » 72 , sa personnalité est fruste. Encore « grisé par la grandeur colossale de sa création » 73 , il se comporte de manière absolument irréfléchie et arbitraire, à l'image 66 Ibid, pp.60-61

O. Jung, , p.23

J. , Psychologie de l'inconscient : « Sous le terme d'ombre, je comprends la partie négative de la personnalité, c'est-à-dire la somme possible des défauts cachés, des fonctions insuffisamment développées et des contenus désavantageux de l'inconscient personnel

, « Dans le livre de Job, résonne encore la joie fière du Créateur, lorsque, par exemple, Yahvé parle des énormes animaux qu'Il a réussis : Voilà l'hippopotame à qui j'ai donné la vie comme à toi, p.100

, Aucune intégration consciente et réfléchie [n'est] effectuée par le sujet, dont l'existence individuelle demeure dès lors problématique. D'un tel état psychologique, nous dirions aujourd'hui qu'il est "inconscient" et, aux yeux de la loi, il correspond juridiquement à "l'état d'irresponsabilité". Yahvé viole, de la façon la plus flagrante, p.76

J. Or-avec, Dieu est une coincidencia oppositorum, une conjonction des contraires, un écartèlement insupportable des antagonistes : « La réflexion et la connaissance résident en lui à côté de l'irréflexion et de l'ignorance de soi-même, comme résident aussi la bonté à côté de la cruauté, et la force créatrice à côté de la volonté de détruire 78 . Son essence est paradoxale 79 : c'est une lumière qui comprend les ténèbres, et non pas un summum bonum. Travaillé par l'instabilité intérieure, il est à la fois le méchant, Dieu se heurte à la résistance de l'homme qui refuse de se soumettre et de céder à la force brutale, à l'immoralité criminelle et à l'épouvantable sauvagerie du caprice divin, vol.77, p.62

. Ibid, 102 : « Aucune intégration consciente et réfléchie [n'est] effectuée par le sujet, dont l'existence individuelle demeure dès lors problématique. D'un tel état psychologique, nous dirions aujourd'hui qu'il est "inconscient" et, aux yeux de la loi

, Yahvé ne se soucie « pas le moins du monde du code moral qu'Il a Lui-même formulé, lorsque Ses agissements en heurtent les clauses édictées, P, vol.61, p.45

, P. 84 : « L'homme a discerné le visage de Dieu et Sa dualité inconsciente, p.64

. Ph and . Nemo, 125 : « Le prologue du Livre de Job ne présentait-il pas Dieu et Satan comme étant de connivence ? Le stratagème monté pour mettre Job à l'épreuve, ils l'ont ourdi ensemble. Il semble même qu'il soit arbitraire de les distinguer

, Jung considère que le motif qui amènera Dieu à se faire homme peut être trouvé dans sa confrontation avec Job : Dieu devra métamorphoser sa propre essence qui lui est dévoilée par le procès jobien. Dieu devra devenir un homme, c'est-à-dire se dépouiller de son amoralité pour se soumettre à la loi morale : « La supériorité de Job ne peut plus être effacée, Dieu est défait moralement : il a succombé devant Job. C'est la victime violentée qui est victorieuse malgré les apparences : « L'homme, en dépit de son impuissance, est élevé au rang de juge de la divinité, vol.82

, Yahvé s'élève, se hisse au-delà de l'état de conscience primitive qui était précédemment le Sien, en reconnaissant indirectement que l'homme Job Lui est moralement supérieur, et que par conséquent il Lui reste à rattraper l'homme et son être. Sa créature L'ayant dépassé, Yahvé Se doit de Se renouveler, vol.83

J. La-mise-À-mort-du-christ-est-en-somme-le-rachat-de-l'injustice-subie-par, Avec le Christ, Dieu veut échapper à l'injustice aveugle : Jésus, à la différence du père, est absolument juste. Il s'agit en quelque sorte de réparer le traumatisme psychique qu'est l'injustice criante subie par Job. CONCLUSION La conclusion chrétienne suivant laquelle tout le bien vient de Dieu et tout le mal vient de l'homme est absurde, en ce qu'elle oppose la créature et le créateur, ce qui contrecarre l'incarnation de Dieu : il convient de ne pas charger l'homme de l'ombre de Dieu. En revanche, c'est bien dans l'homme que Dieu va résoudre ses propres antinomies. La créature a la responsabilité de régler le conflit du créateur

O. Jung, , p.58

, Job personnifie une quête de justice qui est inassouvie : grâce à Job, nous savons qu'il est donné à l'homme de transformer l, vol.85, p.105

. Ph and . Nemo, Je définirai cette révolution -ou cette Révélation -comme l'invention d'une morale absolument nouvelle, celle de la compassion ou de l'amour, pour laquelle le mal n'est pas tolérable, et telle que, pour cette raison, le sens de la vie humaine ne peut être désormais que de lutter contre lui, au-delà même de la mort, Il nous semble que les dialogues du Livre de Job, pp.16-18

E. Wiesel, , 2000.