, En supposant que Dieu, au lieu de prononcer le Verbe, "a écrit un Verbe si long que nous sommes encore loin d'en voir la fin" (p. 171), nous ne pouvons le lire, puisque nous sommes ce qu'il écrit. Mais, "il est possible que parmi nous quelques-uns ne soient pas écrits, qu'ils soient, tout simplement ; certains (je pense surtout à Vendredi) sont peut-être écrits par un autre auteur, innommable, coupé peut-être de toute origination fiable"35. Foe avait tenté d'enseigner l'écriture à Vendredi pour cette raison, p.171

. Seul-celui-qui-demeure-extérieur-au-verbe-peut-le-comprendre, La vérité ne se dit que de l'extérieur, comme dans un rapport d'objectivation: mais le texte ne peut se saisir lui-même

, Si la vérité ne se dit que de l'extérieur, la parole de l'intérieur (celle du narrateur) reste extérieure à la vérité. Vendredi est là, au coeur de l'histoire, mais ce coeur (cet "oeil") refuse la parole, demeure impensable36. Le récit manque le Verbe, car celui-ci ne se prend que d'un dehors indicible. Foe s'achève sur la perte du Verbe, ou l'impossibilité du Verbe à dire ce qui le fonde, ce qui est à son principe. En termes d'agôn, Foe s'achève sur une défaite : le récit n'arrive pas à dire ce qui est à son propre départ, ne parvient pas à achever ce mouvement réflexif qui justifierait l'écriture, Vendredi exprimera l'oeil de l'histoire tout en restant hors du langage. Le narrateur ne peut exhaler de son corps qu'un flux "doux et froid, obscur et sans fin

U. *-en-interrogeant-un-texte-déjà-mille-fois-réécrit and . Texte, tourné à la marchandise"37, Foe s'enracine dans l'intertextualité, mais en même temps renvoie Robinson Crusoé au rang de fable ou de mythe. S'il fait retour à l'origine, c'est pour la réduire à néant. Origine du roman d'abord : si Robinson Crusoé est le premier roman anglais, Foe se place à la source du roman avec le mémoire de Susan. Mais ce mémoire manque son objet : il relate une histoire qui n

. L'origine, du récit réaliste serait une fable bâtie sur une histoire dont on ne sait rien. L'oeil de l'histoire, c'est le mystère de l'établissement de Cruso sur 35. R. Bozzetto, op.cit, p.51

. Et, présent et inaccessible", selon la formule qui selon Bozzetto définit le "fantastique moderne", un fantastique où le "scandale", l'impossible, ne provient pas d'une in-uption de l'in-ationnel dans le rationnel, mais où il se manifeste comme un "effet du texte" tout en se retranchant en-deçà du langage. L'impossible ne suppose pas un Au-delà ou une Sumature, mais annule les "motivations, pp.218-223

.. P. Cf, L. Barbéris, . Prince, and F. Le-marchand, Sans désir, comment est-il possible d'élaborer une histoire ?" demande Susan. Mais, inversement, le désir ne se laisse pas dire ; le texte y reste étranger et ne peut qu'énoncer sa manifestation, de l'extérieur. Dans ces dernières pages, rien ne se décide, rien ne s'explique, rien n'est arrêté : l'issue du texte est indécidable. C'est pourquoi l'issue du duel l'est aussi. Pour dire qui a vaincu, il faut arrêter la lecture. Or, à la fin , sans un souffle, surgissent les bruits de l'île, sans respiration, sans interruption, s'écoule un flot obscur et sans fin . Le texte n'a pas d'issue. Avait-il une fin ? Le duel annoncé est sans issue, son île, mystère que le roman de Daniel Defoe occulte et que Foe exhibe, mais qui demeure extérieur au texte, peut-être justement parce qu'il demeurait étranger au texte premier, p.149, 1980.

J. Engélibert,

, DEA Lettres et Sciences Sociales