, Église dont ils s'étaient emparés, faire voeu de pèlerinage, prendre deux fois la croix, rien ne pouvait faire oublier ses démêlés avec les évêques de Poitiers et d'Angoulême : deux légats du pape. Or, la papauté était, à la fin du XIII e siècle, totalement triomphante et intouchable. Ensuite, sans nul doute, son attitude envers son épouse légitime. Passons sur la répudiation d'Ermengarde sur laquelle l'Église avait fermé les yeux 40 ; elle ne trouva rien à redire non plus à son remariage avec Philippa. De 1094 à 1114, Philippa tint son rôle de Domina à la cour de Poitiers : elle donna un héritier mâle à la dynastie ; elle exerça tout le pouvoir politique pendant que son mari guerroyait en Orient (1101-1102) et garda toujours la haute main sur les affaires du Toulousain. Certes, elle devait supporter les innombrables concubines que son mari exhibait à la cour, mais elle s'y était apparemment résignée. Les choses ne changèrent qu'en 1114, lorsque Guillaume IX s'éprit de Dangereuse. Très vite, il en fit la nouvelle Domina et contraignit Philippa à s'effacer. Elle finit par se retirer à l'abbaye de Fontevrault, où elle mourut en 1118. L'attitude du duc choqua non seulement l'Église mais aussi une partie de la noblesse, qui pourtant en avait vu d'autres? La ridiculisation de l'évêque d'Angoulême fut une provocation de trop. D'où le subterfuge du biographe : effacer la Maubergeonne de la mémoire de l'Aquitaine en truquant la généalogie d'Aliénor ! Loin d'être une « erreur », la substitution d'une duquessa de Normandia à la fille de la Maubergeonne dénote une très consciente opération de censure. Comment dès lors interpréter ce geste ? Si l'on y regarde bien, marier son fils à la fille de sa maîtresse était pour Guillaume IX un acte hautement symbolique : une manière de se jouer du temps, d'éterniser sa passion. Pour la postérité un doute ne pouvait cependant manquer de s'élever autour de cette union, Mais quels sujets pouvaient encore « fâcher » à la fin du XIII e siècle ? À coup sûr les mauvais rapports du duc d'Aquitaine avec l'Église romaine : deux excommunications, c'est beaucoup pour un seul homme ! Guillaume IX eut beau dépenser sans compter pour les abbayes qu'il protégeait, multiplier les donations pieuses dans tout le Poitou, intervenir pour que ses vassaux restituent les biens d

D. , Ermengarde se serait présentée au concile de Reims (octobre 1119) pour obtenir du pape Calixte II qu'il annule la répudiation de 1091 et lui restitue ses titres de comtesse de Poitiers et de duchesse d'Aquitaine ; en 1119, Ermengarde était veuve de son second mari, Alain Fergent, duc de Bretagne (qu'elle avait épousé en 1092) et Philippa de Toulouse venait de mourir (1118). Guillaume IX négligea de répondre à la convocation du pape à Rome ; la plainte resta sans suite ; cf, Bezzola II, issue.2, pp.263-264

, Aliénor s'apparente de fait à une forme d'exorcisme 41. La biographie provençale de Guillaume IX s'intègre dans une stratégie d'évitement cohérente à l'échelle des chansonniers IK. Tout chansonnier est à l'origine une commande. Le codex forme une anthologie dont le contenu est établi par le compositeur en fonction des voeux, des goûts et de la fortune du commanditaire. Les chansonniers I et K ont bénéficié de fonds importants : ce sont des volumes denses et soignés, ils comportent des miniatures et possèdent la plus riche collection de vidas jamais réunie. Quoiqu'on ne sache rien des compositeurs ni des commanditaires, il est visible que des options ont été prises de conserve en amont et que la place accordée à Guillaume IX a été méthodiquement comptée : une seule chanson de lui est transcrite dans IK : « Pos de chantar m'es pres talenz » (chanson XI) 42. Le choix n'est pas neutre. Cette chanson est en effet un congé où Guillaume IX annonce qu'il renonce à sa vie de pécheur pour se, coup, la honte d'une union incestueuse pouvait éclabousser Aliénor. La solution consistant à biffer Ainor du lignage d'

/. S'il-plaît-À-dieu, Aucune place dans IK pour les chansons grivoises truffées d'obscénités à l'adresse des companhos (chansons I, II, III), ni pour la chanson du gat ros, qui comporte notamment un éloge du triolisme (chanson V), ni pour « Ben vuelh que sapchon li pluzor » (chanson VI), où le troubadour, filant la métaphore sexuelle, se targue d'être un « maître infaillible » aux dés comme en amour ; aucune place non plus pour les chansons d'amour du « Cycle de la Maubergeonne, vol.43, p.41

L. , est curieusement employé par Guillaume de Malmesbury à propos de Guillaume IX et sa maîtresse ; c'est pour avoir tenté de détourner le duc de ce péché que l'évêque de Poitiers aurait été exilé : incesti dissuasorem detrusit exilio (Gesta reg. Angl., lib. V, § 439

. Éd and . Bond, pièce XI. Ce poème aurait été composé après la blessure de Guillaume IX à Taillebourg, pp.40-42, 1111.

, Selon Gerald A. Bond, la date de composition du poème serait plutôt 1119, soit juste avant son voyage outre-monts pour combattre les Almoravides, Guillaume aurait fait voeu de pèlerinage pour remercier Dieu de l'avoir épargné

, Tot ai guerpit cant amar sueill:/ Cavalaria et orgueill

/. Dieu, prec Li que.m reteng' am Si (chanson XI, pp.33-36

I. V. La-chanson and . Farai-un-vers-de-dreyt-nien, souvent donnée à tort pour un "devinalh" (énigme en vers)-est considérée par Jean-Charles Payen comme « la première du Cycle de la Maubergeonne, pp.119-132, 2010.