Historiquement, l’éducation (ex-ducere) a longtemps été considérée comme un pouvoir public extérieur à la famille. S’agissant de la relation des parents et de l’école, publique ou privée, il faut attendre les années 70 avec la massification de l’enseignement pour que s’opèrent des changements sociologiques et comportementaux modifiant les attentes des familles. Conséquence importante de la démocratisation, les relations se diversifient, les parents venant (ou non) à l’école, chacun avec leur propre histoire scolaire. Ainsi, les relations école-famille reposent-elles souvent sur des malentendus (Dubet, 1997), l’invisibilité des parents étant souvent confondue avec l’indifférence (Lahire, 1995). Dans cette perspective socio-historique, notre contribution pose la question du rôle des parents dans l’éducation aujourd’hui et si (et sous quelles conditions) l’intervention éducative (Lenoir, 2009) peut faciliter le développement de l’implication parentale (Epstein, 2001), voire la construction d’une coéducation (Rayna et al, 2010). Le concept de contextualisation (Marcel, 2002) apporte un autre éclairage à la question des relations école/famille dans notre étude qui porte sur un dispositif original inscrit dans le contexte sociolinguistique de La Réunion, dont le principal phénomène est le contact de langues (français et créole) et auquel s'ajoute une autre dimension, celle du brassage des cultures (réunionnaise, mahoraise, malgache…), de laquelle découle une problématique identitaire, que doit prendre en compte l’Ecole dans une perspective d’« éducation au plurilinguisme comme processus de médiation interculturelle » (Tupin, 2008). La dimension socio-historique de l’Ecole à La Réunion apporte des éléments utiles à la compréhension des relations école/famille car, quelles que soient les diversités, la famille se trouve confrontée au passage brutal d’une sociabilité traditionnelle créole à une sociabilité moderne réunionnaise (Simonin et Wolf, 2002), prenant appui sur plusieurs types d’expérience pour comprendre l’Ecole d’aujourd’hui (catéchèse, ritualisme, pensée magico-religieuse). La contribution propose l’analyse d’une intervention éducative auprès de parents de collégiens d’un établissement ECLAIR de La Réunion. Dans une perspective écosystémique, nous cherchons à décrire des organisateurs qui structurent le dispositif « école des parents », lequel s’adresse à des parents volontaires inscrits pour une année dans un parcours individuel de formation. Notre étude qualitative porte d’abord sur l’examen des ressources conçues pour les formateurs et les formés ainsi que sur des documents construits au cours de l’intervention éducative. Ensuite, nous procédons à une analyse de contenu à partir d’entretiens individuels de fin de formation et de bilans écrits, pour tenter de rendre compte de l’impact de l’intervention sur le construit de coéducation chez ces 15 parents originaires de la zone ultra-marine. Enfin, nous empruntons le concept de résilience, correspondant à un état relatif, contextualisé (Terrisse, Larivée et Kalubi, 2007), pour mieux comprendre la construction des structures cognitives, affectives ou conatives de parents qui de démunis, deviennent partenaires de l’Ecole.