L’utopie festive : fêtes, célébrations et cérémonies de L’Utopie de More à l’Histoire des Sévarambes de Veiras
Résumé
Qu’est-ce que l’utopie? Une remise en cause libertaire de la norme sociale existante au nom d’une société idéale à venir, ou bien une entreprise volontariste de constructivisme social destinée à figer la société pour toujours dans un ordre supposé parfait? Qu’est-ce que la fête ? La libération anarchique d’une spontanéité ludique, ou bien la manifestation plus ou moins contraignante d’un rituel social imposé? Les deux notions se situent pareillement au point de rencontre de deux polarités opposées et soulèvent les mêmes contradictions, qu’on se propose d’explorer à travers L’Utopie de More (1516), texte fondateur du genre, et l’Histoire des Sévarambes de Veiras (1677-79) paradigme de l’utopie classique, encore très lue dans toute l’Europe jusqu’à la fin du 18e siècle. Religieuses ou civiques, les fêtes utopiques sont ordinairement des célébrations inscrites dans un calendrier et des réactualisations imagées d’une norme institutionnelle, comme le seront plus tard les fêtes révolutionnaires. Mais il arrive aussi qu’un imprévu perturbe le déroulement réglé du rituel, que l’individuel s’immisce dans le collectif, que la description devienne récit anecdotique. La spontanéité festive retrouve alors ses droits, au prix d’une certaine remise en cause de l’ordre rationnel de l’utopie.